Céline Beaujolin, déléguée générale de l’association Filière Hors-Site France. Crédit photo : LC Desmoulins
Publié le 16 juin 2025
Temps de lecture : 4 min
Interviews
Céline Beaujolin, déléguée générale de l’association Filière Hors-Site France. Crédit photo : LC Desmoulins
Publié le 16 juin 2025
Temps de lecture : 4 min
Si la construction hors-site fait son chemin en France, elle reste encore souvent utilisée à titre expérimental et ponctuel. Pourtant, elle dispose de solides atouts et d’une filière prête à augmenter la cadence. Comment accélérer le développement de ces méthodes ? Réponses avec Céline Beaujolin, déléguée générale de l’association Filière Hors-Site France.
Les informations clés
Les premiers projets hors-site remontent à la fin du XIXe siècle : à sa manière, Gustave Eiffel lui-même avait recours à ce mode de conception et de construction. Pendant toute la première partie du XXe siècle, de nombreux architectes se sont penchés sur le sujet, en rivalisant d’inventivité pour imager de nouvelles manières de procéder, mais sans démarche globale. Il faut attendre l’après-guerre pour voir une massification du hors-site, alors résumé sous le terme de « pré-fabriqué ». Un vocable très négativement connoté en France, car synonyme de mauvaise qualité, dans une approche « vite fait mal fait ». Cette image perdure malheureusement aujourd’hui encore, même si les méthodes ont considérablement évolué !
En Allemagne, 20 % des constructions sont conçues en hors-site. En Suède, ce sont même 90 % des habitations individuelles qui s’appuient sur ce mode de construction ! C’est essentiellement pour des raisons culturelles et des pratiques de construction fortement ancrées que le hors-site affiche un retard important dans l’Hexagone. À titre d’exemple, en Amérique du Nord, la généralisation des sprinklers comme moyen de lutte contre l’incendie ne pose aucun problème, y compris dans les logements. En France, cette réponse ne satisfait pas les utilisateurs. Même l’Espagne, pays européen parmi les moins avancés sur le sujet, se lance ! Les choses commencent néanmoins à évoluer en France. Une récente forte prise de position gouvernementale de la ministre du Logement Valérie Létard souligne les atouts du hors-site.
Maîtrise des coûts, vitesse, respect des délais, performance environnementale… Le hors-site propose des solutions à toutes ces questions !
En matière environnementale, par exemple, ce mode de construction permet sans difficulté d’atteindre la RE2020 selon le seuil 2025. Et les seuils 2028 et 2031 sont à portée de main, pour une raison simple : avec le hors-site, tout est rationalisé. Seul le nécessaire est consommé, ce qui produit très peu de déchets, avec le meilleur matériau systématiquement sélectionné. L’intégration d’éléments biosourcés est aussi plus facile avec le hors site car, souvent, ces éléments supposent une mise en œuvre hors chantier.
En termes de délais, le hors-site demande une phase d’étude plus longue, puisque chaque aspect doit être étudié et comparé. Mais le temps de chantier est réduit de 30 à 50 %, avec très peu de retard et des nuisances (bruit, poussière, allers-retours de camions…) quasi inexistantes. Tout cela contribue aussi à maîtriser les coûts, un aspect essentiel.
Enfin, le hors-site se prête à la construction neuve, mais convient aussi parfaitement à de nombreux projets de rénovation, sujet majeur aujourd’hui.
Contrairement à d’autres secteurs comme l’automobile, le BTP n’a pas connu de révolution industrielle. Les pratiques ont peu évolué, avec des innovations limitées ces dernières décennies. Or, récemment, la pénurie de main d’œuvre et l’augmentation du prix des matières premières sont venues percuter ce secteur aux bases finalement assez fragiles. Le hors-site suscite donc l’intérêt.
Toute une nouvelle organisation doit donc se déployer et impliquer de multiples acteurs : donneur d’ordres, architectes, entreprises du bâtiment et industriels. L’approche globale doit être entièrement revue, dans une logique de co-réflexion. Aujourd’hui, chacun reste encore dans sa ligne d’eau. Or, il faut apprendre à travailler de concert, très en amont du chantier !
Il faut d’abord revoir la manière de passer commande. Cela implique de structurer des cahiers des charges de façon plus ouverte, pour laisser une place à tous les modes de construction, dont le hors-site.
Véritable locomotive pour encourager le mouvement, la commande publique a son rôle à jouer dans cet objectif. Les enjeux actuels de développement de places de détention ou de logements étudiants, pour répondre à des besoins urgents, constituent des opportunités de démontrer la valeur ajoutée de l’approche hors site. Dans ces situations, le hors-site coche tous les critères !
Les bailleurs sociaux et les foncières s’emparent aussi du sujet. Le coût d’un projet hors-site est parfois plus élevé qu’un projet « classique ». Mais grâce aux performances atteintes, notamment énergétiques, et à la qualité des constructions la rentabilité se trouve sur le long terme. Avec des projets qu’ils lancent sur plusieurs décennies, ces acteurs peuvent donc jouer un rôle de précurseur.
Enfin, des cursus doivent voir le jour dans les écoles d’ingénieurs et d’architectes. Le hors-site requiert de nouvelles compétences pour apprivoiser de nouvelles manières de faire. La RT2012 est un bon exemple : initialement, le sujet semblait insurmontable. Mais avec de la réflexion, du travail, des retours d’expériences, des partages de connaissance, c’est aujourd’hui une évidence. Intégrer le hors-site doit suivre la même approche.