La nouvelle vie des anciens abattoirs

Anciens abattoirs-Rome2_iStock

L'entrée du musée d’Art Contemporain de Rome, ancien abattoir de la ville (©iStock)

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Des villes, on connaît les monuments, les grandes places, les figures historiques mais rarement les anciens abattoirs. L’âge d’or de ces établissements du début du XIXème au milieu du XXème est bel et bien tombé dans l’oubli mais les bâtiments, eux, sont toujours là. Et ils abritent aujourd’hui de nouvelles activités. Reportage à Rome, Paris, Toulouse et Nancy où des projets de reconversion ont été développés.

Depuis plusieurs décennies, un grand nombre d’abattoirs municipaux et privés ont définitivement fermé leurs portes : les abattoirs de la Villette à Paris en 1974, ceux de Rome en 1975, ceux de Toulouse en 1988 et ceux de Nancy en 1996.  Plus récemment, les abattoirs de Privas (Ardèche), Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne) et Corbigny (Nièvre) ont eux aussi baissé le rideau. Sanctions administratives, impossibles mises aux normes sanitaires, déficits chroniques et constructions d’ensembles nouvelle génération en périphérie, ont signé la fin des abattoirs de ville qui laissent derrière eux de gigantesques halles à l’abandon.

En France, des architectures industrielles et normées 

Des briques, des pierres de taille ou des moellons en calcaire, des toits à longs pans… Les anciens abattoirs présentaient généralement une structure de style industriel et normée. Plusieurs bâtiments étaient disposés sur un plan en forme de « U » permettant d’accueillir une cour au centre, où avait lieu l’abattage des animaux, comme ceux de Villejuif (photographie ci-après) qui s’étendaient sur 27 000 mètres carrés, détruits en 1902 et où se situe désormais l’École Nationale Supérieure des Arts et Métiers. Les différentes ailes des bâtiments avaient, quant à elles, des vocations spécifiques : triperie, bouverie, bergerie, porcherie, échaudoir…

L’entrée des abattoirs de Villejuif (©DR)

Mais comment ces abattoirs normés sont-ils nés ? Jusqu’au XIXème siècle, les métiers de la viande, en particulier dans les grandes villes, sont organisés en corporation. Désorganisées pendant la Révolution, ces corporations périclitent et des questions sanitaires sont mises sur le devant de la table avec un premier Conseil de salubrité en 1802. Pour résoudre les problématiques sanitaires, Napoléon Bonaparte ordonna par décret en 1810 la création de cinq abattoirs à l’extérieur de la ville de Paris et interdit par la même occasion les abattoirs intramuros. Désormais à l’abandon, ces abattoirs et ont été progressivement rattrapés par la ville avec l’étalement urbain. Une évolution géographique qui facilite leurs reconversions.

Des anciens abattoirs devenus espaces de culture et d’art contemporain

C’est sans doute l’un des projets les plus emblématiques de la reconquête du patrimoine industriel de Rome : la transformation de l’abattoir construit en 1888 en centre d’exposition. Après la fermeture du site en 1975, la ville de Rome a décidé d’utiliser les grands espaces extérieurs pour organiser des manifestations culturelles jusqu’en 2002, avant l’inauguration du MACRo Future, ou Musée d’Art Contemporain de Rome, en 2003. Les bâtiments accueillent de jeunes artistes internationaux en pleine ascension, la cour est quant à elle dédiée à de plus petites manifestations, dans un décor qui a préservé un maximum d’éléments existants comme les charpentes métalliques, les chaudrons, les chaudières, les cuves, les réservoirs et surtout le chemin de rails aérien.

Les ancien rails en fer des abattoirs visibles depuis la cour du musée (©iStock)

À Paris, le quartier de la Villette fait aussi école en matière de transformation d’anciens abattoirs. Édifiés en 1867 au sud du canal de l’Ourcq pour remplacer les cinq grands abattoirs parisiens sur une volonté du baron Haussmann, les abattoirs et marchés aux bestiaux de la Villette ouvrent leurs portes en 1867. Ce projet aura duré un siècle avant un changement de décor radical. En 1979, le site est intégralement réaménagé sur 55 hectares pour laisser place au parc de la Villette, à la Grande halle et sa capacité d’accueil de 15 000 personnes, à la Petite halle et sa librairie, à la Cité de la Musique et à la Philharmonie de Paris.

La façade de la grande halle de la Villette qui a conservé la structure métallique des anciens abattoirs (©iStock)

À Toulouse, les anciens abattoirs ont eux aussi été reconvertis en lieu culturel qui porte toujours le nom « Les abattoirs ». Inauguré en 2000, le musée propose des expositions d’art moderne et des créations d’artistes contemporains. Dès le parvis, les visiteurs sont plongés dans un univers artistique contemporain avec des sculptures monumentales dans un décor resté fidèle aux origines avec les différentes halles de brique rouge.

L’une des cours intérieures des anciens abattoirs de Toulouse (©DR)

Des requalifications diverses qui préservent l’architecture d’origine

Les anciens abattoirs changent radicalement d’usage mais les structures industrielles des sites restent visibles, comme à Nancy où les bâtiments construits au début du XXème siècle ont conservé leur façade monumentale et leur verrière. Transformés en technopole en 2013, la halle offre un plateau de plus de 2 000 mètres carrés pour des entreprises innovantes (numérique, ingénierie urbaine, industries culturelles et créatives…). Ce projet s’inscrit dans la requalification des bords de la Meurthe, portée par la Communauté urbaine du Grand Nancy et l’Établissement public foncier de Lorraine, avec la volonté forte de faire des anciens abattoirs un bâtiment iconique du quartier.

Les transformations réussies des anciens abattoirs de Rome, Paris, Toulouse et Nancy pourraient bien faire des émules.