La Maison Saint-Charles, quand le recyclage urbain s’inscrit dans la philosophie humaniste

Maison Saint-Charles 1

(©Julie Limont)

Temps de lecture : 4 min

Les religieuses de la Congrégation des Sœurs de la Charité Dominicaines de la Présentation de la Sainte Vierge ont pérennisé leur site historique de la Maison Saint-Charles dans le 15e arrondissement de Paris en transformant cet ancien orphelinat en maison de mixité sociale et intergénérationnelle. Reportage sur un programme hors norme qui s’inspire du passé pour bâtir un nouvel avenir.

Le 310 rue Vaugirard arbore depuis près d’un an une nouvelle façade de pierres parisiennes en quinconce dans le 15e arrondissement de Paris. Et ce n’est que la partie visible d’un projet de réhabilitation hors du commun entamé il y a maintenant dix ans par les religieuses de la Congrégation des Sœurs de la Charité Dominicaines, occupantes de la Maison Saint-Charles depuis 150 ans.


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La Maison Saint-Charles perpétue sa philosophie humaniste

Construit en 1872, le bâtiment, auquel s’ajoute à la fin du XIXe siècle une chapelle et des dépendances, sert tour à tour d’hôpital, d’orphelinat, d’école primaire et d’internat pour les plus défavorisés auxquels se consacrent les sœurs. Mais, au début de XXIe siècle, se pose la question de l’avenir des locaux, devenus vétustes, inconfortables et bien trop grands pour la vingtaine de religieuses restantes. « Nous voulions trouver un projet qui rende pérenne ce site et surtout sa mission sociale », explique Sœur Véronique Margron, Prieure provinciale de la Congrégation.

(©D.R.)

Émerge alors l’idée d’une maison intergénérationnelle et sociale incluant des logements autonomes et des espaces partagés (cuisine, foyer, bibliothèque, buanderie, salle de réunion) permettant de maintenir la communauté de sœurs sur leur lieu de vie et de penser leur avenir mais également d’accueillir, dans la philosophie humaniste et de solidarité des lieux, des familles monoparentales socialement isolées, des étudiants et des jeunes engagés dans une dynamique d’insertion socioprofessionnelle. « Devenir une résidence intergénérationnelle à caractère social correspondait tout à fait à la philosophie de vie que nous voulions développer dans cette maison » résume Sœur Véronique Margron. La résidence, gérée par Habitat et Humanisme Île-de-France, se compose de 49 logements sociaux, dont 20 pour les sœurs, d’une quinzaine de chambres d’hôtes à vocation sociale pour permettre à des personnes ayant peu de ressources de visiter Paris, et d’espaces de travail partagés, dont une salle de coworking. Elle est organisée autour de quatre bâtiments avec, au cœur du cloître, un potager partagé ainsi qu’un jardin planté d’arbres dont certains sont centenaires.

Un montage partenarial et atypique

Pour mener à bien un projet aussi complexe, la Congrégation des Sœurs s’est entourée de plusieurs partenaires. Le promoteur VINCI Immobilier qui a remporté l’appel à projets lancé par les religieuses, l’association Habitat et Humanisme Île-de-France, qui assure la gestion du lieu, et porte le projet social, et le bailleur social engagé auprès des plus fragiles Seqens Solidarités ont rejoint l’aventure dès 2014 pour faire renaître ce lieu chargé d’histoire. « Cette Maison Saint-Charles, humaine et bienveillante est le fruit d’un travail collectif alliant ingénierie sociale et montage financier innovant au service du bien-vivre ensemble » résume fièrement Emmanuel Dezellus, Président de Seqens Solidarités. Pour financer ces travaux, les religieuses ont cédé une partie de leur foncier sur lequel VINCI Immobilier a réalisé une opération de promotion immobilière privée, la résidence Hors du Temps (voir encadré plus bas).

(©D.R. / Francis Cochard / Julie Limont)

La particularité du montage mis en place réside dans le bail à construction conféré par les religieuses de la Congrégation à VINCI Immobilier. Ce dernier « leur permet de redevenir propriétaire du lieu en 2063 ainsi que de onze appartements de la résidence Hors du Temps tout en préservant la chapelle existante » explique Olivier de la Roussière, Président de VINCI Immobilier. La chapelle a été désacralisée et réaménagée pour accueillir des salles de réunion ouvertes au public, un oratoire pour les Sœurs de la Congrégation ainsi que la salle de la communauté. De nouveaux vitraux aux motifs de mimosas ont également été installés. La Manufacture Vincent-Petit les a assemblés en double vitrage afin d’assurer une bonne isolation thermique du bâtiment. Artiste verrier, Matthieu Gasc a conçu et réalisé les deux vitraux dans l’axe de l’église ainsi que les deux éléments qui habillent l’autel et le tabernacle. « Il était essentiel de préserver la chapelle pour qu’elle reste le cœur et le noyau de la Maison Saint-Charles », précise Bruno Le Moal, architecte en charge de la restauration de la chapelle. Le bail à construction a été cédé par la suite à Seqens, porteur financier des logements sociaux, pour une durée de 42 ans.

L’Association Habitat et Humanisme Île-de-France assure quant à elle la gestion de la résidence intergénérationnelle, des chambres d’hôtes et des espaces de travail partagés, ainsi que la définition et la mise en œuvre du projet social. « La Maison Saint-Charles est un ambitieux projet pour Habitat et Humanisme Île-de-France, souligne sa directrice générale, Christelle Parneix, dans lequel nous mixons les usages (logement, tourisme, travail) et les publics, puisque près d’une centaine de personnes cohabitent quotidiennement dans ces lieux (résidents, visiteurs, usagers des espaces de travail, salariés et bénévoles de notre association,). Avec, entre autres intérêts, celui de favoriser la mixité sociale en plein Paris. » Ainsi, une équipe de salariés et de bénévoles coordonne l’animation de la vie quotidienne et l’accompagnement des personnes logées à la Maison Saint-Charles. Un programme d’animations collectives rythme l’année, embarque les résidents et permet d’investir les différents espaces partagés.

La résidence Hors du Temps


(©Cyrille Lallement)

Composée de 35 logements de haut standing allant du 2 pièces au 5 pièces duplex et 11 logements occupés par les Soeurs, la résidence Hors du Temps a pour particularité d’avoir a été construite en essayant de limiter au maximum la dégradation de l’espace végétal dans lequel elle évolue. « Dans cet écrin végétal, il nous fallait implanter un nouveau bâtiment tout en conservant 80 % des arbres situés sur le pourtour de la parcelle. Une gageure quand on réalise des travaux de cette ampleur » se remémore Marie-Odile Foucras, architecte de la résidence Hors du Temps. Ainsi, l’un des deux bâtiments a été construit en filière sèche : tous les éléments ont été préfabriqués et assemblés sur place pour éviter le coulage traditionnel de béton, impensable si près des arbres ! Le projet fait d’ailleurs la part belle aux espaces verts. « Le projet a été pensé pour s’intégrer parfaitement dans les jardins, complète Marie-Odile Foucras. Les appartements bénéficient de loggias, de toits-terrasses et d’immenses baies vitrées qui plongent sur cet espace arboré. »