Stéphane Raffalli, maire de Ris-Orangis (©Ville de Ris-Orangis)
Publié le 28 mai 2025
Temps de lecture : 5 min
Interviews
Stéphane Raffalli, maire de Ris-Orangis (©Ville de Ris-Orangis)
Publié le 28 mai 2025
Temps de lecture : 5 min
Dans l’Essonne, la ville de Ris-Orangis s’est lancée dans une opération inédite : analyser ses sols pour déterminer leur nature et identifier ceux à la plus forte valeur écologique. Une étude poussée pour piloter finement la stratégie d’urbanisation de la commune. Explications avec le maire de Ris-Orangis, Stéphane Raffalli.
Les informations clés
Quelle est l’origine de cette démarche ?
Un rappel historique s’impose. Ris-Orangis fait partie de l’ancienne ville nouvelle d’Évry. Notre territoire, situé à 25 km au sud de Paris, a connu une urbanisation effrénée dans les années 1960, avec la création d’une ville ex-nihilo, contraire aux principes habituels de fabrique de la ville, basés sur une croissance progressive et par strate. À cette époque, la priorité était de « couler du béton ». Un virage est pris avec les lois de décentralisation dans les années 1980. Ris-Orange s’émancipe alors d’Évry, quitte le périmètre de la ville nouvelle et prend son destin en main. Aujourd’hui encore, il existe une forme de frontière entre les 2 communes, via une « ceinture verte » d’environ 400 ha sur les 871 que compte la ville de Ris-Orangis. Cette séparation rappelle notre histoire mais aussi notre passé agricole. D’ailleurs, de nombreux sites de la commune portent toujours le nom de « Ferme ». Être élu de Ris-Orangis, c’est donc s’intéresser à ces terres qui appartiennent au domaine public et entrent parfaitement dans le cadre de la loi « Zéro Artificialisation Nette ».
Quelle stratégie avez-vous décidé de mener concernant ces terres ?
Empêcher de construire sur des sols « naturels » ne prend son sens qu’à condition de connaître la nature du sol en question. Or, la loi Climat et Résilience ne fixe aucun critère qualitatif, simplement des critères quantitatifs. Dans une démarche de sensibilisation, il nous a semblé essentiel de dire – et de prouver – pourquoi tel terrain devait être préservé. Cela permet de mieux expliquer et de mieux faire comprendre aux différents acteurs la raison. Trop souvent, l’écologie se résume à une interdiction et à une dimension punitive. Nous avons souhaité faire preuve de pédagogie en menant une étude inédite : analyser l’ensemble des sols du cadastre de la commune pour en connaître la nature et la valeur écologique. Au total, plus de 400 forages ont été réalisés en 2023, suivis d’expertises en laboratoire, en collaboration avec l’ADEME, le Cerema, le bureau d’études Sol Paysage et la Caisse des dépôts Biodiversité. Nous avons ainsi acquis des données inexistantes jusque-là et disposons à présent d’une cartographie précise de notre sous-sol.
Quelles sont les conclusions de ces études ?
L’analyse confirme certaines intuitions et nous renseigne sur la valeur écologique et le degré d’artificialisation des sols, avec parfois des surprises ! Par exemple, sur notre ceinture verte, les travaux pointent un degré important d’activités humaines passées qui ont fortement détérioré les sols, comme la présence d’anciennes décharges sauvages. L’hippodrome, pourtant vaste espace vert, dispose d’un sous-sol assez pauvre à cause des nombreuses opérations de drainage qui ont lourdement dégradé sa qualité. À l’inverse, les jardins des pavillons se révèlent un formidable réservoir de biodiversité, d’une grande fertilité !
Comment cette étude va-t-elle influer sur la stratégie d’urbanisation de Ris-Orangis ?
Nous avons pris une décision immédiate : modifier le PLU pour interdire les divisions parcellaires dans les zones pavillonnaires et ainsi empêcher les nouvelles constructions dans ces zones. Au-delà de l’aspect écologique, c’est aussi un parti pris au sens urbanistique, pour préserver ce caractère pavillonnaire, limiter la densité et réduire les tensions entre habitants. De la même manière, l’étude montre aussi que certaines de nos terres agricoles en bordure de forêt abritent une incroyable richesse des sols. Un programme d’aménagement concerté y prévoyait la construction de 800 logements, au sein d’un nouvel écoquartier. Pour préserver le site, nous avons décidé de revoir le projet et de passer à 250 logements afin d’éviter un écocide.
Qu’envisagez-vous à plus long terme ?
Fait rare à quelques mois d’élections municipales, nous engageons une révision de notre PLU. Ce travail qui prendra 18 à 24 mois intègrera les conclusions de l’étude. Nous disposons à présent d’une cartographie qui nous permet de piloter finement l’extension urbaine de Ris-Orangis. Dans le secteur de la gare RER par exemple, la construction de logements était prévue. Nous envisageons finalement de sanctuariser cette zone aux sols très riches pour étendre la forêt et créer des jardins partagés. À l’inverse, des terres sans valeur écologique seront à prioriser en vue d’une artificialisation.
En termes d’artificialisation justement, quelle approche défendez-vous ?
Il faut d’abord compléter les bonnes intentions de la loi Climat et Résilience. Un référentiel qualitatif manque, pour définir quelles terres pauvres pourraient être artificialisées et quelles terres riches doivent impérativement être préservées. Une sorte de DPE des sols, pour ne pas agir aveuglément !
En parallèle, éviter l’artificialisation implique de mieux recycler l’existant. Conversion en logements de bureaux vides, transformation de friches, incitation à louer des logements vacants ou sous-occupés… Souvent, les opérations de conversion coûtent plus cher que la construction de bâtiment neuf : mais pourquoi pas imaginer un dispositif de défiscalisation pour les particuliers orientés vers la requalification plutôt que vers le neuf et ainsi mieux organiser les flux financiers ?
Il s’agit en somme de mieux identifier les gisements pertinents et se donner les moyens de les exploiter, dans une logique de planification écologique cohérente, respectueuse à la fois des réalités environnementales et des besoins des collectivités. Nous défendons cette approche dès que nous en avons l’occasion et nous continuerons de le faire, notamment lors du séminaire de restitution nationale de l’Appel à Manifestation d’Intérêt « Objectif ZAN » avec les 22 lauréats dont Ris-Orangis fait partie et qui aura lieu dans notre commune les 24 et 25 juin.