Paris La Défense mise sur les tours existantes pour décarboner le premier quartier d’affaires européen

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La transformation de la tour Aurore à Paris La Défense (©PLD - Le Blue Duck Florence Delaby)

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Fin juin, Paris La Défense a dévoilé, par la voix de son directeur général Pierre-Yves Guice, dix propositions pour décarboner et transformer ses tours. Car un million de mètres carrés de bureaux arrivent à obsolescence dans les prochaines années sur l’ensemble du quartier. L’objectif ? Valoriser l’existant au lieu de démolir.

Dans le sillon de sa nouvelle raison d’être “devenir le premier quartier d’affaires post-carbone de dimension mondiale”, Paris La Défense s’est donné pour objectif de diviser par deux ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. L’aménageur public s’est ainsi déjà attaqué au déploiement des mobilités douces et à la végétalisation de la dalle (avec le projet Le Parc de Michel Desvigne). Il y a un an, l’établissement public a pris l’initiative de s’intéresser aux tours, qui représentent près de la moitié du bilan carbone annuel du quartier d’affaires et sont, pour l’écrasante majorité, propriétés d’investisseurs privés.

Endossant un rôle d’animateur, Paris La Défense a lancé les “États généraux de la transformation des tours”, une démarche inédite réunissant plus de 800 acteurs publics, architectes, bureaux d’études, opérateurs immobiliers et propriétaires d’actifs. Céline Crestin, la directrice de la Stratégie et du Développement responsable, a réuni cet écosystème en conférence plénière en novembre 2022 puis en février 2023, pour explorer des exemples de transformation réussie d’IGH (Quay Quarter Tower à Sydney, The Cosmopolitan à Bruxelles, Morland Mixité à Paris, etc.), et pour pointer les freins à la transformation des tours (équilibre économique, réglementation, cohabitation des usages, etc.).

En parallèle, l’aménageur a réuni les participants à travers une douzaine d’ateliers de travail, qui ont conduit à l’émergence d’une cinquantaine de propositions concrètes capables d’accélérer la transformation du quartier. Dix d’entre elles ont été dévoilées en juin dernier par Pierre-Yves Guice et Céline Crestin.

Décarboner les tours existantes de Paris La Défense et éviter la démolition-reconstruction

Pour relever le défi de la décarbonation des tours existantes, Paris La Défense planche notamment avec ses partenaires sur un outil de mesure de l’impact carbone des opérations immobilières, mais aussi sur la décarbonation du mix énergétique du réseau de chaleur et de froid auquel sont reliées la plupart des tours.

La décarbonation des tours existantes nécessite surtout d’activer des leviers financiers et fiscaux. Paris La Défense a ainsi annoncé permettre aux opérations de restructuration d’accéder au marché des Green Bonds. L’aménageur envisage également de faire bénéficier les opérations vertueuses de régimes fiscaux plus avantageux.

Tandis que les opérations de restructuration peuvent susciter l’inquiétude des opérateurs quant à leur capacité à équilibrer leur bilan, Paris La Défense se réserve la possibilité de faciliter l’accès à des disponibilités foncières pour y développer des projets complémentaires. Autre frein soulevé par les acteurs réunis autour de la table : la difficile conciliation entre la sécurité incendie, la cohabitation des usages et la végétalisation des tours face au changement climatique. L’Établissement va lancer un projet test pour lever ces freins.


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Décarboner des tours à moitié remplies serait inutile. À la décarbonation des tours s’ajoute donc une nécessaire mutation de leurs usages. Si La Défense reste largement associée à l’image des sièges de bureaux, l’aménageur souhaite faire évoluer les tours existantes vers des objets plus ouverts sur leur environnement, accueillant du public dans les socles et sur les rooftops. Cette démarche s’accompagne de la création d’ERP (établissement recevant du public), inscrits dans les plans locaux d’urbanisme.

Leurs usages évolueront aussi vers davantage de mixité, avec l’arrivée de nouvelles offres tertiaires (formation, recherche…), de résidentiel (hôtellerie, résidences étudiants ou gérées…) ou de loisirs (restauration, animations…). Miser sur les tours existantes implique donc d’anticiper leur réversibilité. Ainsi, Paris La Défense a annoncé l’expérimentation d’un “permis multidestination” dans le cadre d’une opération de transformation d’IGH, qui permettrait de passer plus aisément d’un usage à l’autre. Cette option juridique ne connaît qu’un précédent : l’attribution d’un permis sans affectation pour le projet Tebio, à Bordeaux. Son architecte, Patrick Rubin, a d’ailleurs partagé son retour d’expérience dans le cadre des États généraux.

C’est dans cet esprit que l’aménageur va lancer “Campus Paris La Défense”, un réseau et une marque pour fédérer les écoles d’enseignement supérieur du quartier et proposer des services mutualisés aux 70 000 étudiants que compte le quartier. Récemment, des tours de bureaux se sont en effet transformées en campus étudiants, pour l’IESEG, l’ESCE, ou l’ICN, avec salles de cours en gradins, cafétérias, rooftops…

C’est dans cette même logique partenariale nouvelle que l’Établissement prévoit la création d’un fonds de dotation, cofinancé et copiloté avec les acteurs privés du quartier, dédié au financement d’équipements ou d’actions culturelles, solidaires et sportives à La Défense.

Un exemple pilote pour d’autres territoires

Avec ces États généraux, Paris La Défense a fixé les contours d’un nouveau cadre partenarial avec les acteurs privés du quartier. Les dix propositions sont précédées d’une charte d’engagements réciproques entre l’aménageur public et les entreprises. Un modèle de partenariat public-privé qui compte déjà plus d’une dizaine de signataires, dont des opérateurs immobiliers (Groupama Immobilier, Icade, Redman, URW…), des utilisateurs du quartier (GSF, Q Park, Sodexo…), des acteurs de l’enseignement supérieur (IESEG, ICN…), ainsi que la préfecture et le département des Hauts-de-Seine.
Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, a adressé son soutien à la démarche des États généraux en déclarant qu’il s’agissait d’un “message non seulement pour la France mais aussi pour l’Europe et pour le monde”, et d’ajouter que les services du ministère seraient pleinement mobilisés.

La transformation des tours de La Défense pourra servir d’exemples aux autres quartiers d’affaires dans le monde. Les expérimentations à venir permettront de fournir une boîte à outils innovants à d’autres territoires.