À Lourdes, le Château de Soum cherche à sortir de sa grotte

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©Raphaël Ruegger

Temps de lecture : 5 min

C’est l’un des plus beaux bâtiments de Lourdes : résidence bourgeoise, centre de formation, tribunal d’instance, maison des associations… Le château de Soum construit en 1900 est fermé au public depuis quelques années mais le maire Thierry Lavit souhaiterait faire renaître ce lieu iconique dans une ville qui accumule les friches.

La ville de Lourdes ne manque pas de trésors et de secrets. Cité médiévale au cœur des Pyrénées, son destin a changé brutalement après les premières apparitions mariales de 1858. Rapidement, des milliers de pèlerins se sont rués autour de la grotte, des habitants lourdais ont commencé à vendre des articles religieux dans des commerces dédiés au culte catholique et des hôtels sont sortis de terre en l’espace de quelques décennies. Avec plus de 3,5 millions de visiteurs attendus cette année après trois années marquées par la crise sanitaire, Lourdes est sans doute la ville française au plus grand rayonnement international après Paris.


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« Le fait de Lourdes* a façonné une destinée exceptionnelle pour cette ville » témoigne Thierry Lavit, natif de la cité et maire de la ville. Lourdes est la ville avec la deuxième capacité hôtelière de France avec 12 000 lits (derrière Paris et devant Nice). Des familles ont fait fortune grâce à l’afflux massif de pèlerins du monde entier. « Le Château de Soum est un bon exemple de l’accumulation de richesses par quelques familles pionnières dans l’hôtellerie lourdaise – explique Thierry Lavit. Ce château portait le nom de ‘Villa Fournau’ à son origine puisqu’il appartenait à la famille des hôteliers Fournau ».

Vue du Château de Soum à Lourdes photgraphié par ©Raphaël Ruegger
©Raphaël Ruegger

Les ornements des façades, les lucarnes et encadrements de fenêtres sont le témoin d’un courant architectural qui s’est beaucoup développé au début du XXe sous le crayon de l’architecte lourdais Jean-Marie Lacrampe. Né à Lourdes en 1855 et mort en 1917 dans la même ville, il fut à la fois architecte municipal de 1881 à 1917, architecte de la Grotte de 1894 à 1917, architecte des maisons religieuses et de grands hôtels, comme le Grand Hôtel (Lourdes) et l’hôtel du Parc (Cauterets). « On lui doit aussi notre hôtel de ville et ses annexes qui sont les anciennes ‘Villas Roques’ – détaille Thierry Lavit, intarissable sur l’histoire de sa ville. Ces balcons et pierres de taille, c’est typique de son style. D’ailleurs les Lourdais y sont attachés, ils adorent se prendre en photo sur le balcon de la mairie pour les mariages. »

Vendu à une autre famille lourdaise, le château a été racheté par la ville après la Seconde Guerre mondiale pour accueillir successivement un centre de formation, le tribunal d’instance et la maison des associations. Avant sa fermeture au public, le bâtiment hébergeait notamment l’Union Musicale de Lourdes, une école de musique où le Maire a fait ses gammes (trompette et chant). « C’est dommage que ce soit fermé, j’ai de beaux souvenirs ici avec les enfants » se souvient une habitante qui tricote paisiblement à l’ombre des arbres, juste en face de l’entrée principale du château.

Une friche de plus en ville

Ce bâtiment aujourd’hui inoccupé et inaccessible au public n’est pas un cas isolé. Fréquentée par des millions de personnes, la ville mariale a tout de même du plomb dans l’aile. « Depuis 15 ans, le modèle ‘mono-produit / mono-client / mono-prix’ fonctionne moins bien. Les pèlerins restent moins longtemps, consomment différemment… et la rente créée pour le tourisme spirituel s’amenuise tant pour la ville que pour les socio-professionnels » constate Thierry Lavit. La crise sanitaire a même engendré un effondrement de la ville de Lourdes avec le départ brutal de 1200 saisonniers, une baisse d’activité de 90% en 2020 et de 85% en 2021… L’État a mis la ville sous assistance respiratoire avec 176 millions d’euros d’aides d’urgence mais les cicatrices restent visibles. À date, la ville compte près de 300 friches : commerces, hôtels, immeubles d’habitation, etc.

« Nous devons transformer et compléter le modèle de notre ville en développant de nouvelles filières économiques et de nouvelles offres d’accueil, pour de la courte durée comme pour du résidentiel. Pour ça, nous avons un outil formidable qui s’appelle le Plan Avenir Lourdes, une aide de 100 millions d’euros autour de 100 actions prioritaires, initié par le Président de la République Emmanuel Macron et porté par un ensemble de financeurs : l’État, la Région Occitanie, le Département des Hautes-Pyrénées, la Communauté d’Agglomération Tarbes-Lourdes Pyrénées et la ville de Lourdes. » Si les aides sont conséquentes, elles restent insuffisantes pour redonner vie à ces milliers de mètres carrés de bâtiments à l’abandon qui mériteraient pourtant de trouver une nouvelle vie.

L’exemple du Château de Soum est parlant. Situé en centre-ville et longé par une voie vélo qui mène jusqu’au Pic du Jer, haut-lieu du VTT également convoité par les touristes, tout laisse à penser que la stratégie de renouvellement urbain portée par la ville s’appuiera sur des sites comme celui-ci.

Entrée du Pic du Jer photgraphié par ©Raphaël Ruegger
©Raphaël Ruegger

« Je verrais bien un site ouvert à tous les publics, vivant, animé » se projette Julien Lemaître, conseiller municipal délégué aux commerces. Ce qui est sûr, c’est que la vie revient à Lourdes depuis la fin de la crise sanitaire avec des prévisions très optimistes en matière de tourisme dans les années à venir. Pour autant, hors de question de se reposer sur cette rente unique, insiste Thierry Lavit : « Lourdes doit désormais s’affirmer comme le ‘cœur des Pyrénées’ où on vit, on travaille, on vient pour avoir accès à des activités culturelles, sportives, gastronomiques, bien-être et santé. » Si toutes les friches ne peuvent être sauvées dans l’immédiat, des bâtiments iconiques comme le Château de Soum cherchent leur petit miracle… Le Plan Avenir Lourdes a d’ailleurs identifié ce site comme prioritaire pour devenir, à terme, une Maison des Arts et de la Jeunesse qui pourrait proposer de nombreuses activités, à destination des jeunes et de tous les habitants de Lourdes. Le chantier n’est pas encore lancé, tout reste à imaginer.

©Raphaël Ruegger

 
*Le « fait de Lourdes » est une référence aux apparitions de la Vierge Marie manifestées en 1858 à une jeune fille âgée de quatorze ans, Bernadette Soubirous.