Quand la France adopte les forêts Miyawaki

foret miyawaki France

(©A+R Paysages)

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Connaissez-vous Akira Miyawaki ? Ce botaniste japonais a développé dans la deuxième partie du XXe siècle une méthode permettant de restaurer des forêts natives à partir des jeunes plants (30 cm), même sur des sols très dégradés ou déforestés. Une approche qui essaime progressivement dans les villes en France, notamment à Bordeaux.

Au cœur des grandes métropoles françaises – Paris, Lyon, Nantes, Bordeaux… –, poussent des forêts Miyawaki inspirées par la méthode du botaniste japonais au nom éponyme, Akira Miyawaki. La promesse : restaurer des écosystèmes forestiers autonomes en zone urbaine (sols dégradés ou déforestés) en un temps express. « Ce type d’espace forestier multi-strate concentre des arbres, mais aussi des arbustes et des petites plantes au sol de 100 à plusieurs milliers de mètres carrés », relate Rémi Salles, fondateur de A+R Paysages. Parmi les autres particularités des forêts Miyawaki : un espace de très forte densité avec trois à neuf plantes par mètre carré ; des essences locales très diversifiées ; et des plantes de petites tailles (entre six mois et un an de pousse). Les bienfaits de ce type de mini-forêts pour les villes en France ? « Il est très performant en biomasse, contribuant ainsi à rafraîchir des surfaces minérales, répond Rémi Salles. Outre leur diversité végétale, qui contribue à la biodiversité et à la diversité de la faune, ces espaces forestiers sauvages ne nécessitent pas d’entretien régulier pour les villes. »


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À Bordeaux, les forêts Miyawaki seront au nombre de neuf d’ici fin 2023 – dont six déjà existantes.
« Nous végétalisons l’espace public partout où c’est possible pour ramener de la fraîcheur et de la biodiversité, explique Didier Jeanjean, adjoint au maire de Bordeaux en charge de la nature en ville. Ces espaces forestiers, nous les déclinons partout où c’est possible à l’instar de petites placettes cernées par des rues ou sur des parkings publics. » Si l’équipe municipale bordelaise ne revendique pas l’appellation ‘‘forêts Miyawaki’’ dans sa communication, elle espère pouvoir en créer une vingtaine d’ici 2026. « Pour ce faire, nous nous appuyons sur nos équipes techniques et nous sollicitons les habitants pour qu’ils soient acteurs de ces espaces dédiés à la nature et qu’ils se les approprient », poursuit Didier Jeanjean. Pour porter ces projets de forêts Miyawaki, la cité bordelaise peut également compter sur le savoir-faire de l’agence A+R Paysages, comme c’est le cas pour le square Reigner à Bastide, la résidence Mainjolle (quartier de Belcier) et la zone d’activités Amperis à Pessac. Cette année, 2 000 plants seront notamment introduits sur le rond-point Lapébie, face au stade Matmut Atlantique.

L’exemple de la micro-forêt urbaine du programme Zoï

Dans la capitale girondine justement, VINCI Immobilier a planté une forêt Miyawaki au cœur du programme de bureaux Zoï, dans la ZAC Saint-Jean Belcier. Cette micro-forêt urbaine – pour laquelle A+R Paysages est présente au côté du promoteur – se compose de plus d’une centaine d’espèces de plantes et d’arbres. À noter : les plantations des jeunes pousses de cet espace naturel ont été réalisées par les écoliers de l’école maternelle Ferdinand Buisson, au sein de leur jardin à planter. « Plantée en cœur d’îlot, cette forêt urbaine apportera de la fraîcheur et de l’ombre pour lutter contre les îlots de chaleur tout en offrant un berceau de biodiversité. La densité, la diversité et l’adaptation des essences, se développeront rapidement en nouant une étroite relation avec le sol, et permettront ainsi de multiplier par 100 la biodiversité créée au mètre carré et de voir émerger en cinq ans une forêt à qui il faudrait 50 ans pour se développer », a déclaré Olivier de la Roussière, président de VINCI Immobilier, lors de la plantation du premier arbre de cette mini-forêt fin 2021. « Ce procédé permet de sensibiliser et de rassembler autour des enjeux du climat de manière pédagogique, pour être ensuite repartagé par les élèves auprès de leurs familles », estime Rémi Salles.

Une pièce d’un puzzle complet et diversifié

Le fondateur d’A+R Paysages précise qu’il ne calque pas à 100 % la méthode japonaise, préférant réaliser des tests avec des phytosociologues et agroécologues*. « Pour la forêt Miyawaki de Pessac, nous avons étudié les plantations et leur bien vivre-ensemble, broyé les déchets verts, limité l’apport de l’eau grâce à un matelas de paille de 20 cm et réalisé aucun apport de terre nouvelle. » Et de préciser : « Une micro-forêt est l’une des pièces d’un puzzle complet et diversifié. Pour qu’elle soit une réussite, il faut l’associer à d’autres écosystèmes tels que la faune, les prairies et des plantations fruitières. »

Et quel est le potentiel de déploiement de ces forêts Miyawaki en France, notamment au regard du ZAN et des objectifs de préservation de la biodiversité ? « Il est très important, car il est évident qu’il faut arrêter d’imperméabiliser les sols, répond Rémi Salles. Avec ces micro-forêts, qui ne nécessitent pas de budgets colossaux, on renoue avec la connaissance du vivant. » Didier Jeanjean rappelle également que ces espaces forestiers permettent de lutter contre le réchauffement climatique : « Un espace densément arboré de 100 mètres carrés en cœur de ville permet d’abaisser la température de 1°C dans les rues adjacentes, dans un rayon de 100 mètres, lors de pics de chaleur. » Pour accélérer le mouvement et ‘‘changer de méthode’’ vis- à-vis du passé, l’adjoint au maire de Bordeaux chargé de la nature en ville s’appuie la démarche Bordeaux grandeur Nature. « Cette démarche de reconquête végétale en ville s’articule autour de quatre axes : anticiper, protéger, renouveler/planter, participer. » À ce titre, trois micro-forêts bordelaises supplémentaires seront créées en 2023, pour un total de 6 400 jeunes plants et de 1 000 mètres carrés de prairie fleurie.

La micro-forêt Billaudel, installée à la place d’un parking à Bordeaux (©TS-mairie de Bordeaux)

* La phytosociologie est l’étude scientifique sur l'association entre les espèces végétales en vue de définir des ensembles floristiques en rapport avec le climat, le sol… 
L’agroécologie est un mode de production agricole prenant en compte la protection de l’environnement et le respect des ressources naturelles.