Jacqueline Osty : « Des espaces publics végétalisés bien travaillés améliorent l’acceptabilité de la densité »

Jacqueline Osty parc Martin-Luther-King -

Le parc Martin-Luther-King, inscrit dans la ZAC Clichy-Batignolles, est devenu le poumon vert du quartier (©Martin Argyroglo)

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Grand Prix de l’urbanisme en 2020, la paysagiste Jacqueline Osty a notamment aménagé le parc de Clichy Batignolles à Paris et a participé au développement de l’île de Nantes, deux projets de recyclage urbain. Elle nous explique comment le paysage peut magnifier ce type d’opérations.

Quelle doit être la place de la nature en ville selon vous ?

Jacqueline Osty : La place de la nature en ville pose la question de la présence du vivant : les végétaux, les animaux, les hommes. Elle est d’abord nécessaire pour apaiser et améliorer le cadre de vie des citadins. Ensuite, la densification est devenue inéluctable dans l’aménagement des villes mais elle doit être pensée de manière qualifiée, notamment au travers des espaces publics paysagers. Ces derniers doivent être appréhendés et conçus en amont comme des objets à part entière. Cela induit la gestion des eaux et l’économie des ressources qui sont indispensables au déploiement de la nature dans l’espace urbain. Quand ces différents aspects sont bien pris en compte et travaillés, les espaces publics végétalisés améliorent l’acceptabilité de la densité.


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Comment la nature apaise-t-elle les citadins ?

Jacqueline Osty : La nature est un plaisir partagé, car tout le monde est sensible au contemplatif. Le paysage offre la chance de voir les saisons passer, comme un évènement spectaculaire, une scénographie en elle-même. Bien sûr, l’autre question qui se pose est celle de la compatibilité des usages : un milieu naturel peut être détérioré par les activités humaines. Le mariage entre paysage et usage est donc primordial dans la conception des espaces publics. Cela passe notamment par le rééquilibrage des mobilités en ville, en réduisant la place de la voiture, en favorisant les mobilités douces qui s’inscrivent plus aisément dans le paysage, en aménageant des lieux de pause avec le mobilier urbain adéquat.

Comment avez-vous décliné cette approche dans le parc de Clichy-Batignolles à Paris et sur l’île de Nantes ?

Jacqueline Osty : Aménagé en lieu et place de friches ferroviaires, entouré de quartiers très denses, le parc Martin-Luther-King, inscrit dans la ZAC Clichy-Batignolles, est devenu le poumon vert du quartier. Pour lui conférer ce statut de parc central, nous avons redonné toute sa place à la nature, avant même que les premiers habitants ne s’installent sur les opérations de la ZAC. Cela prouve à quel point l’anticipation de la dimension que l’on souhaite donner au paysage est importante.

Je pense aussi au projet urbain de l’île de Nantes, pour lequel nous avons hérité, sur 350 hectares, d’un espace bâti et minéralisé conséquent. Nous avons raisonné par le vide, en équilibre avec le développement urbain, pour offrir des trames végétales et des espaces verts généreux et accueillants. Ce fut, par ailleurs, l’occasion de réfléchir à ce qui constitue un sol vivant : la récupération des eaux par le sol, le réemploi de terres qualitatives, la présence d’animaux…

« Notre rôle est de répondre, par le paysage, à toutes les questions que l’environnement nous pose »

Quelles perspectives ouvre le « zéro artificialisation nette » pour le paysagisme ?

Jacqueline Osty : La loi climat et résilience sensibilise, et c’est une bonne chose, à ne plus enrober les sols. La nature, contrairement au béton, impose un entretien très fréquent. Cela implique de mobiliser des moyens, mais elle offre de belles perspectives au recyclage urbain. Outre la satisfaction des besoins liés au bien-être en ville, la nature est un élément clé de la transition écologique. C’est encore plus évident après l’été dramatique que nous venons de vivre. Notre rôle est de répondre, par le paysage, à toutes ces questions que l’environnement nous pose. Nous devons protéger la biodiversité, lui offrir des lieux de développement, proposer des îlots de fraîcheur aux citadins en multipliant les points d’ombre et les sols naturels…

Comment le paysagisme peut-il participer à la compensation des sols artificialisés ?

Jacqueline Osty : Tout l’enjeu est de réintroduire de la nature en ville, par la désimperméabilisation des sols, l’aménagement de points d’ombre et de surfaces fertiles. Nous menons notamment cette démarche sur les espaces publics du quartier d’affaires de la Part-Dieu à Lyon. Leur emprise va augmenter de 15 %, avec une part de sols perméables qui sera doublée. Nous réintroduirons des sols fertiles sur la dalle et déploieront des espèces résistantes au dérèglement climatique.

Dans le cadre du projet urbain de l’île de Nantes, Jacqueline Osty va offrir des trames végétales et des espaces verts tant généreux qu’accueillants (©François Marcuz)