La construction hors-site arrive en ville

Véritable bouleversement pour le monde du bâtiment, la construction hors-site connaît un essor fulgurant. Avec des impacts majeurs sur la conception des édifices et sur les chantiers ! Mais si les avantages sont nombreux, d’importants freins restent encore à lever… Illustration avec les projets de VINCI Immobilier à Vandœuvre-lès-Nancy et à Massy.

Les informations clés


• La construction hors-site consiste en l’utilisation d’éléments standardisés, produits en usine, comme les 155 salles de bains identiques de la résidence étudiante de Vandœuvre-lès-Nancy.
• Cette méthode peut utiliser des éléments 2D, comme les FOB (façade à ossature bois), façades avec fenêtres et bardages, ou même des modules complets fabriqués en 3 dimensions en usine et assemblés sur site.
• Le hors-site peut favoriser l’optimisation des fondations grâce à des ossatures bois légères, et améliore le bilan carbone global. De quoi atteindre plus facilement les seuils et exigences réglementaires.
• À Massy, le hors-site a été appliqué à la préfabrication de façades en béton pour un programme de 90 logements, apportant un gain de temps et limitant l’impact environnemental du chantier grâce à la construction en filière sèche.
• Le principal frein reste la nécessité de standardisation, difficile à atteindre dans des projets très variés. Le coût de ce mode constructif est à prendre en compte et son développement dépend aussi de l’extension du réseau de fournisseurs ainsi que de leur capacité de production, en cours de structuration.

Fabriquer en usine une partie des bâtiments : c’est le principe de la construction hors-site que déploie VINCI Immobilier dans plusieurs de ses programmes. Le point commun de ces projets ? L’intégration de cette question le plus en amont possible, dès la phase de conception, pour élaborer des plans qui permettent la reproductibilité d’éléments identiques – et donc leur fabrication en usine.

Préserver un site unique

À Massy (91), le hors-site s’applique ainsi aux Sycomores. Sur un ancien terrain d’Air France, en partie situé dans des bois, ce programme porte sur la construction de 90 appartements, au sein d’une ZAC qui regroupe des appartements en accession, des logements sociaux et des appartements pour personnes âgées. Le programme Les Sycomores repose sur un mode constructif en béton, avec une préfabrication complète des façades en usine puis un assemblage sur site. « Le projet s’inscrit sur un site boisé d’exception, raconte Orhan Ak, directeur de programme. Une démarche ambitieuse a été mise en place pour concevoir les plans de masse des projets, en privilégiant la préservation des arbres existants et de la biodiversité. Notre système constructif se devait d’être tout aussi ambitieux. Nous avons donc choisi de recourir à la filière sèche pour les éléments composant les façades de notre projet, une méthode de construction qui réduit considérablement la consommation d’eau sur le chantier. »

C’est donc dans une usine proche de Nantes que des dizaines de morceaux de façades des Sycomores ont été fabriqués. D’une hauteur de 2,8 m et d’une longueur de 10 m, tous ont ensuite été transportés en camion et assemblés sur place. Un gain de temps d’environ 3 mois sur le planning global, pour un chantier qui sera livré à l’été 2026. La préfabrication des éléments améliore aussi la qualité, avec un meilleur contrôle de la chaîne de production, réduit les déchets puisqu’il suffit d’imbriquer les éléments, et limite les impacts liés au chantier, comme la poussière et le bruit. « La construction hors-site permet de mieux maîtriser les aléas du chantier, précise Orhan Ak. Les éléments sont préfabriqués dans un environnement contrôlé, en usine, dans des conditions optimales. Ce qui garantit une qualité constante. À l’inverse, sur un chantier, la qualité peut être impactée par des facteurs extérieurs comme la météo, la coactivité ou les contraintes logistiques. »

155 logements standardisés

À Vandœuvre-lès-Nancy, la Student Factory de 155 lots répond aussi parfaitement à cette logique. Dans ce bâtiment en plein centre-ville, chaque appartement étudiant y est rigoureusement identique, notamment les salles de bains. Au final, 155 pièces de quelques m², sans la moindre variation, du modèle de WC jusqu’à l’emplacement du porte-serviette. « Ces espaces se prêtent parfaitement à une construction hors-site, souligne Sylvain Boiron, directeur de programme. Cette logique de standardisation réduit considérablement les délais grâce à l’industrialisation. » Concrètement, les salles de bains sont construites en usine, toutes sur le même modèle, puis transportées sur le chantier. « Sur un projet à mener dans des délais très courts comme celui-ci, nous gagnons 3 à 4 mois avec le hors-site. La résidence de 3 700 m² de surface de plancher, en R+5, va ainsi sortir de terre en un temps record : la livraison est prévue le 1^er juillet 2025, alors que les travaux de démolition n’ont débuté que fin 2023. »

Autre atout : les façades extérieures de ce projet sont réalisées en FOB (façade ossature bois) construites hors site, avec intégration en usine des menuiseries extérieures et du bardage. La répétitivité de la façade permet ce procédé.

Une fois livrés par camion sur place, il ne reste donc plus qu’à positionner les blocs et les raccorder au reste du bâtiment. La façade se compose ainsi au fur et à mesure de l’assemblage… Et à l’intérieur des salles de bains, tout est déjà présent, du bac à douche au miroir.

L’autre atout du dispositif : la décarbonation. Avec des ossatures bois, le bilan carbone de la construction diminue sensiblement. « Le bois optimise également le dimensionnement global de la structure, avec un bâtiment final bien plus léger. Ce qui limite les exigences de fondations et réduit encore le recours au béton, pour un bilan carbone amélioré ! » Le bâtiment atteint ainsi les exigences 2025 de la RE 2020.

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Des freins mais des idées pour développer la construction hors-site

À Massy, dans le site boisé, appliquer le hors-site pour les salles de bains n’aurait en revanche pas été pertinent : la variété de logements, tant par leur destination que par leur taille, rendait difficile la standardisation de toutes les salles de bains. Ce qui ne justifiait pas le recours à une construction extérieure. C’est d’ailleurs aujourd’hui encore l’un des freins au hors-site : la nécessaire uniformisation des éléments à produire, pour mutualiser les coûts et assurer la rentabilité de l’opération.

L’hôtellerie a par exemple déjà largement recours à ces méthodes, tout comme les résidences senior et étudiants. « Nous nous inspirons de pratiques des chantier navals, pour les gigantesques bateaux de croisière, avec des cabines qui arrivent toute faite sur place, détaille Sylvain Boiron. Néanmoins, dans les programmes d’accession à la propriété, le recours reste encore limité en raison des demandes des futurs propriétaires, qui attendent un certain niveau de personnalisation de leur futur appartement, incompatible avec la construction hors-site. L’opération se justifie au-delà de 30 pièces identiques à produire. »

Autre écueil : le réseau de fournisseurs, pas encore assez étoffé, impliquant parfois de longues distances entre l’usine et le chantier, avec des coûts et des émissions de CO₂ à intégrer au bilan. La filière se structure néanmoins progressivement.

« Si le recours au hors-site n’a pas vocation à devenir systématique, il est particulièrement pertinent pour de nombreux programmes et devrait continuer à se développer fortement, estime Orhan Ak. VINCI Immobilier est un acteur clé de cette dynamique, qui accélère la décarbonation du secteur et contribue à bâtir des villes plus durables et respectueuses de l’environnement. »