Un exemple de rénovation d'une copropriété (©Istock / Viktor Kintop)
Publié le 26 sep 2025
Temps de lecture : 4 min
Tendances
Un exemple de rénovation d'une copropriété (©Istock / Viktor Kintop)
Publié le 26 sep 2025
Temps de lecture : 4 min
Besoin de construction de logements d’un côté, nécessité de rénovation énergétique des copropriétés du parc existant de l’autre : les initiatives se multiplient pour concilier cette double exigence qui revêt une dimension à la fois urbanistique, économique et sociale. Exemples à Chaville (92) et Clichy-sous-Bois (93), théâtres d’expérimentations grandeur nature pour penser la ville de demain selon une nouvelle approche.
Les informations clés
Des contextes sociaux-économiques différents mais des enjeux similaires en matière de performance énergétique des copropriétés et de demandes en logements. Chaville (92) comme Clichy-sous-Bois (93) font face au défi de la rénovation de leur parc immobilier existant pour répondre aux préoccupations de demain.
Avec un premier défi économique. Selon le gouvernement, la France compte environ 1,5 million de logements dans des copropriétés considérées comme « fragiles », c’est-à-dire dans lesquelles les impayés de charges représentent 8 à 15 % du budget. Dans la plupart des cas, il s’agit de copropriétés qui affichent de mauvaises performances thermiques, générant d’importantes dépenses énergétiques mensuelles pour les résidents. L’un des leviers consiste donc à rénover le bâtiment pour améliorer son DPE et ainsi réduire les consommations d’énergie – et les charges !
« La division par 2 des consommations énergétiques est le premier facteur de motivation des copropriétaires pour se lancer dans un projet de rénovation global, souligne Guillaume Ginebre, chef de projets chez Action Tank, laboratoire d’innovation sociale à l’origine d’un projet pilote mené à Clichy-sous-Bois. Néanmoins, les estimations d’économies sont souvent basées sur des scenarios théoriques. Les gains réels s’avèrent bien moins importants… Il faut donc mieux les quantifier et si possible les garantir. Par ailleurs, des subventions publiques existent pour limiter le reste à charge, mais celui-ci reste parfois trop élevé pour des copropriétaires modestes. Il est donc nécessaire de trouver d’autres sources de financement. Densifier l’existant fait partie des solutions à privilégier. Cela passe soit par une surélévation, soit par une extension sur un côté du bâtiment, soit par la construction d’un nouvel édifice sur une partie inoccupée de la copropriété, par exemple un fond de cour. Une approche pertinente dans un contexte de pénurie de logements et de volonté de réduire l’artificialisation des sols. »
C’est tout l’objet du démonstrateur mené à Clichy-sous-Bois, dans la copropriété des Pommiers. Cet ensemble en difficulté, construit dans les années 60, compte une trentaine de logements et un parking de chaque côté du bâtiment. D’emblée, l’option de la surélévation est écartée : le PLU l’autorise mais les fondations ne supporteraient pas la structure et devraient être renforcées, budget prohibitif à la clef.
Très vite, l’option de l’extension latérale fait son chemin. « L’idée n’est pas d’arriver devant les copropriétaires avec un projet tout fait, au risque de les braquer. Il faut au contraire co-construire ensemble les contours et avancer harmonieusement. » Les discussions portent notamment sur la destination des futurs mètres carrés. Deux pistes sont rapidement abandonnées : celle de l’accession, faute de rentabilité suffisante, et celle de bureaux, faute de demande dans ce secteur. La solution retenue ? La résidence intergénérationnelle, avec des appartements pour des personnes âgées, des logements sociaux et même une salle commune, au rez-de-chaussée du bâtiment existant, pour accueillir une association qui proposera des activités aux seniors. Les places de parking deviendront souterraines, au sous-sol de la nouvelle construction.
« La copropriété a voté le projet à l’unanimité. Les bénéfices engrangés par la vente du foncier, les différentes aides et les économies d’énergie mensuelles laisseront un reste à charge quasiment nul. De quoi financer l’intégralité des travaux de rénovation du bâtiment ! » Le chantier est actuellement en cours. Fort de ce succès, le think tank a élaboré une méthodologie complète pour diffuser cette approche partout sur le territoire et déployer ce principe à grande échelle. « Trop de copropriétés se retrouvent bloquées, alors que le potentiel existe, estime Guillaume Ginebre. Les promoteurs ont une place importante à jouer : leur métier ne se limite plus à construire en partant d’une feuille blanche mais de s’inscrire dans un existant. Des outils permettent désormais de scanner tout le potentiel de densification d’une commune et d’entrer en contact avec les syndics concernés. Dans cette nouvelle approche, l’AMO (assistance maîtrise d’ouvrage) et l’AMU (assistance maîtrise d’usage) s’imposent pour mener à bien le projet. »
À Chaville, le défi porte sur le foncier disponible. Avec l’agglomération GPSO (Grand Paris Seine-Ouest), la ville a travaillé sur un nouveau PLUI (plan local d’urbanisme intercommunal) qu’elle décline sur son territoire. « Nous sommes face à un triple enjeu de préservation des sols, de demande de logements et de rénovation énergétique urgente du parc existant, raconte David Ernest, adjoint en charge de l’urbanisme à Chaville. Dans une ville déjà très dense, les opportunités sont à chercher en hauteur. Le principe que nous souhaitons valoriser ? Celui d’un bonus à la surélévation. Concrètement, les copropriétés qui engagent une rénovation leur permettant de gagner au moins 2 lettres sur leur DPE peuvent bénéficier d’une dérogation pour construire en surélévation, avec 1 à 2 étages de plus que le neuf ».
Ce dispositif incitatif s’adresse à la fois aux promoteurs et aux copropriétaires. Ces derniers se montrent souvent réticents à la perspective de travaux et d’habitants en plus. Néanmoins, l’achat du foncier aérien pourrait permettre de couvrir au moins en partie les travaux de rénovation énergétique… voire d’ajouter de nouveaux services, comme un ascenseur ! « Pour alléger l’empreinte carbone des chantiers dans une ville avec peu de foncier disponible, il faut imaginer de nouvelles opportunités, ajoute David Ernest. Cette notion de « bonus » revêt un caractère très attractif, d’autant que la mairie peut s’engager aux côtés des parties prenantes. »
La commune envisage ainsi d’identifier avec GPSO les gisements en fonction des rénovations à mener et de la densité du quartier, le tout dans le respect de l’architecture et de l’acceptabilité sociale du projet. « Un établissement public foncier pourrait s’assurer de la faisabilité technique et économique. Au niveau de l’agglomération, nous estimons à 2 000 le nombre de nouveaux logements possibles avec cette approche. Notre conviction ? Seule une coopération multi-acteurs permettra de mener à bien des projets de ce type. Il faut notamment organiser des réunions avec les futurs voisins pour montrer l’intérêt social du projet de surélévation. Et prouver qu’il ne s’agit pas d’un projet purement financier, mais d’un projet humain qui fabrique la ville. »
Ces chantiers qui mêlent densification et rénovation énergétique devraient se multiplier dans les années à venir. De quoi placer les promoteurs plus que jamais au cœur de la fabrique de la ville de demain.