Transformation de bureaux en logements : ce que l’analyse des dynamiques territoriales nous apprend

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Dans une récente étude, l’ORIE dévoile une cartographie des zones franciliennes les plus propices à la transformation de bureaux en logements. Si de nombreuses opportunités existent, des freins restent à lever pour accélérer la dynamique.

    Les informations clés

  • L’Île-de-France compte 5,6 millions de m² de bureaux vacants et un déficit estimé à 500 000 logements, avec un potentiel de conversion permettant la création de 150 000 logements selon l’ORIE.
  • Récemment créé, l’indice de « potentiel de recyclage » identifie la première couronne parisienne comme la zone la plus favorable, tandis que Paris intra-muros, Neuilly et Levallois sont peu adaptés, et que les villes nouvelles manquent de demande résidentielle.
  • La faisabilité repose sur un équilibre économique impliquant propriétaire, opérateur et collectivité, chacun devant gérer des contraintes spécifiques liées à la valeur du bien, aux coûts de transformation et aux besoins en équipements publics.
  • Des leviers comme des incitations fiscales et une harmonisation réglementaire sont envisagés pour faciliter les conversions ; l’ORIE prévoit de proposer des mesures concrètes au gouvernement d’ici l’été.

Quels secteurs de l’Île-de-France se prêtent le plus à la conversion d’immeubles tertiaires en immeubles d’habitation ? Si la question concerne tout le pays, la problématique s’avère particulièrement criante dans la région qui compte 5,6 millions de m2 de bureaux vides, alors même que les experts estiment à 500 000 le nombre de logements manquants… « Et tous les indicateurs soulignent que le phénomène devrait s’amplifier, rappelle Patrick Supiot, directeur général immobilier d’entreprise de VINCI Immobilier et administrateur de l’ORIE, l’Observatoire régional de l’immobilier d’entreprise.

Selon les analyses de l’ORIE, la transformation de ces bureaux obsolètes permettrait justement de créer jusqu’à 150 000 logements pour 340 000 personnes. Cette évaluation globale nécessite cependant une analyse plus détaillée, au plus proche des territoires concernés, pour identifier les priorités. C’est la démarche adoptée par l’Observatoire, qui a créé un indice de « potentiel de recyclage des bureaux en logements » basé sur 3 critères. Le premier, la dynamique tertiaire, prend en compte l’offre de bureaux, son potentiel et le taux de vacance. La dynamique résidentielle agrège quant à elle le nombre de logements créés, le solde migratoire, les prix dans le résidentiel neuf et l’offre de transports. Et la faisabilité économique s’intéresse à l’équilibre financier nécessaire à la transformation.


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Des zones définies mais une approche au cas par cas

La méthodologie, appliquée à 113 communes d’Île-de-France, fait ressortir 3 typologies de territoires. D’un côté, les secteurs de Paris intra-muros, Neuilly-sur-Seine et Levallois-Perret qui ne présentent pas de bonnes conditions pour des transformations. De l’autre, la première couronne de Paris, caractérisée par une demande de bureaux en baisse et une demande en logements très soutenue, offre de solides perspectives. Et il y a les « villes nouvelles », comme Cergy-Pontoise, Marne-la-Vallée, Orly ou encore Roissy, avec une attractivité des bureaux qui faiblit mais une demande résidentielle pas assez forte pour encourager une conversion.

« Globalement, l’ouest et le sud parisien se révèlent plus propices à la transformation de bureaux que le nord et l’est, confirme Patrick Supiot. Cela ne suffit pas pour dresser un constat général. Tous les acteurs s’accordent pour dire que les projets s’étudient au cas par cas, en fonction du contexte précis de chaque immeuble. La question technique n’est généralement pas l’obstacle majeur, de multiples solutions existent. Tout repose sur l’équilibre financier de l’opération. »

Trois acteurs dans l’équation

Car plusieurs acteurs entrent dans l’équation économique. D’abord le propriétaire de l’immeuble. Le changement d’affectation impacte la valeur de son bien, il doit généralement acter une dévalorisation de son actif pour rendre l’opération réalisable financièrement. Ensuite l’opérateur, qui doit estimer le coût des travaux de transformation au regard du prix d’achat et de la valeur de l’immobilier résidentiel dans le quartier. Ce calcul détermine la faisabilité du projet : le prix au m2 résidentiel dans le secteur visé doit couvrir le prix d’achat des bureaux ainsi que celui des travaux nécessaires à la transformation. Enfin, la collectivité, pour qui la perte des recettes issues du tertiaire s’accompagne de coûts supplémentaires à assumer : l’arrivée de nouveaux habitants génère souvent de nouveaux besoins en matière d’équipements, par exemple dans les crèches ou les écoles, entraînant de nouvelles dépenses non compensées directement.

« Des solutions existent, souligne Patrick Supiot. Elles sont à trouver par exemple au niveau de la fiscalité, pour encourager un propriétaire à changer l’usage de son bien avec des mesures incitatives. Autre piste : harmoniser certaines obligations, par exemple en matière de normes incendie ou de stationnement, entre tertiaire et résidentiel. Il faut explorer tout ce qui peut rendre la transformation moins coûteuse en prenant en compte les contraintes de chacun des acteurs. » D’ici cet été, l’ORIE formulera une série de propositions, adressées au gouvernement, pour accélérer cette dynamique.

Top 3 des secteurs les plus propices selon l’ORIE

Clichy Saint-Ouen
Avec une vacance tertiaire multipliée par 4 ces dernières années et 30 000 habitants de plus ces 20 dernières années, le secteur affiche un écart de 5 600 €/m2 en faveur du logement par rapport au tertiaire. Il ressort en tête de l’indice de recyclage des bureaux de l’ORIE avec un score de +0,775.

Vélizy
Le taux de bureaux vacants atteint 28 %, alors que la demande en logements reste soutenue. Le prix au m2 d’un appartement dépasse de 4 800 € celui d’un bureau. Résultat, le secteur affiche un indice de recyclage des bureaux de +0,65.

Vanves Gentilly
La vacance tertiaire est passée de 2,8 % en 2019 à 20 % fin 2024. Dans le même temps, la population devait encore augmenter avec l’arrivée de la future ligne 15 du Grand Paris Express. L’écart entre le prix du logement et celui du bureau s’élève à 4 500 €/m2. Autant de paramètres qui établissent un indice de recyclage des bureaux de +0,5 pour ce secteur.

Des exemples de transformation réussies

VINCI Immobilier a déjà accompagné de multiples projets de reconversion. À Saint-Étienne, d’anciens bureaux de Casino accueillent à présent une résidence seniors Ovelia de 122 logements. Une préparation minutieuse, incluant toutes les parties prenantes, a permis de proposer des solutions pertinentes pour tous, en accordant une grande place aux détails, des trottoirs jusqu’aux toits. À Dijon, c’est un ancien cloître, devenu ensuite une clinique avant d’être désaffectée en 2017, qui renaît et abrite désormais 95 logements. Dans ce site emblématique en plein centre-ville, VINCI Immobilier a limité au maximum les nuisances pour réhabiliter le bâtiment, notamment avec des techniques de « grignotage » et de « phasage » qui limitent les poussières. Enfin, l’ancienne école de Chimie de Nancy propose130 logements étudiants au sein d’une résidence Student Factory, dans le centre historique de la ville. Pour cette opération dans un secteur sauvegardé, VINCI Immobilier a intégré, dans l’ancien bâtiment tertiaire, toutes les normes techniques spécifiques aux immeubles à usage d’habitation. Avec plusieurs défis, comme la création de planchers pour combler l’ancien amphithéâtre ou la consolidation de l’édifice pour absorber l’augmentation des charges liées à la création de logements.

Ancienne école de Chimie transformée en résidence Student Factory, Nancy