[VIDÉO] Comment le Village des Athlètes préfigure la ville de demain

SAINT DENIS_APOGEE_Vue aérienne depuis la passerelle_BD

Une partie du Village des Athlètes à Saint-Denis (© Kreaction)

Temps de lecture : 5 min

Réversibilité, béton bas carbone, recyclage des eaux usées… Le Village des Athlètes, en cours de chantier sur les communes de Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine et L’Île-Saint-Denis, est un véritable laboratoire qui préfigure la ville de demain. Tour d’horizon des innovations avec Antoine du Souich, directeur de la stratégie et de l’innovation de la SOLIDEO (Société de Livraison des Ouvrages Olympiques) l’établissement public qui pilote la réalisation des ouvrages pour l’été 2024.

Les bâtiments du futur Village des Athlètes sont conçus de manière réversible. Pourquoi ?

(Crédits Xavier Granet)

Antoine du Souich : La plupart des bâtiments construits sur le Village des Athlètes vont servir à loger les sportifs et leurs accompagnants. Passé l’évènement, ces mêmes bâtiments seront transformés en appartements ou en bureaux. Au lieu de construire des bâtiments pour les Jeux et se demander ensuite ce qu’ils vont devenir, nous les construisons en tenant compte de la phase Héritage dès la phase de conception. Afin d’y parvenir des permis de construire à « double-état » ont été mis en place. C’est une véritable innovation réglementaire dans le cadre des ouvrages olympiques qui fusionne deux permis en une seule et même autorisation d’urbanisme. Ainsi, au moment du dépôt de permis, on dépose deux permis en même temps, celui pour la phase des Jeux et celui pour la phase Héritage. Les acteurs de la construction ont donc dû anticiper l’état définitif des installations dès la conception des ouvrages olympiques.

Selon-vous, le permis à double état va-t-il se généraliser au-delà de l’évènement sportif ?

Antoine du Souich : Il n’y a aucun frein à son application à l’avenir. Du point de vue de la procédure, le permis à double état est un succès complet. Le retour d’expérience du Village des Athlètes peut conduire très rapidement à prendre de nouvelles dispositions réglementaires. Du point de vue opérationnel, la réhabilitation des bâtiments devra primer pour faire face au réchauffement climatique mais la réalisation de nouveaux projets restera nécessaire. Les rendre mutables dès leur conception permet de s’inscrire dans une logique de développement durable. Il conviendra toutefois de déterminer pour quel projet ce dispositif sera vraiment utile demain.


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Le Village des Athlètes intègre également des solutions bas-carbone. Quelles sont-elles ?

Antoine du Souich : 330 000 m² qui sortent de terre d’un coup et dont le bilan carbone en phase de construction et d’exploitation est diminué de 47% par rapport à ce qui se faisait en moyenne, c’est complètement inédit. Pour y parvenir, nous avons d’abord fait de l’économie circulaire un enjeu central du projet. Le Village des Athlètes est construit sur une ancienne friche. Dès le début, nous avons donc diagnostiqué tout ce qui était réemployable sur cette dernière. Ensuite, nous avons passé des marchés de déconstruction pour lesquels nous avons évalué le réemploi effectif des matériaux. Nous demandions un maximum de recyclage. Résultat, nous avons réutilisé 96% de tout ce qui a été démoli. Cela prouve que quand on pose cet enjeu comme un impératif, on arrive à des niveaux de réutilisation qui sont très importants.

Du côté des constructions, afin de renforcer le caractère bas carbone des bâtiments, nous avons eu recours au béton bas carbone. Nous avons travaillé avec une filiale de VINCI Construction, l’entreprise BATEG, à la création d’une gamme de béton ultra bas carbone, Exegy. C’est spectaculaire car jamais VINCI Construction n’avait utilisé sa solution pour l’ensemble d’un immeuble. De la même façon, l’entreprise Icade réalise le bâtiment « Cycle » qui, à terme, triera l’ensemble de ses eaux usées. L’urine sera par exemple séparée des excréments et utilisée en agriculture, les eaux grises seront réinjectées dans les chasses d’eau et pour l’arrosage des espaces verts après traitement. Ces solutions sont toutefois longues à mettre en place, nous sommes toujours en discussion avec l’État pour obtenir les autorisations sanitaires.


Le chantier du Village des athlètes innove également en matière de qualité de l’air. Comment ?

Antoine du Souich : Sur le lot 3 du secteur E, Nexity-Eiffage porte un projet d’innovation avec Dalkia Smart Building, filiale du groupe EDF, avec l’objectif de faire émerger des nouveaux services pour les bâtiments. L’opérateur technique garantit à tout instant la qualité de l’air intérieur du bâtiment en s’appuyant sur des dispositifs de mesure, de filtration et de pilotage de la ventilation à l’aide d’une intelligence artificielle. En ce qui concerne la qualité de l’air extérieur, nous travaillons avec trois entreprises parmi lesquelles figure « Aérophile » et son aspirateur à particules. La société prévoit d’installer plusieurs modules de son innovation au cœur du Village des Athlètes pour absorber les pollutions aux particules fines. Des ombrières qui sont des sortes d’assainisseurs dans le sens où elles dépolluent 95% des particules fines et créent des îlots d’air dépollués aux pieds des bâtiments. Dans plusieurs logements des athlètes, l’air est également filtré à 90% grâce à une innovation portée par l’entreprise Aldes et une de ses filiales, Teqoya. Il s’agit d’entrées d’air munies de filtres électrostatiques qui stoppent l’infiltration des particules.

« Notre but est de parvenir à l’accessibilité universelle »

Antoine du Souich, directeur de la stratégie et de l’innovation de la SOLIDEO

Qu’en est-il des innovations du Village des Athlètes en matière d’accessibilité ?

Antoine du Souich : Le Village des Athlètes, comme l’ensemble des 64 ouvrages pilotés par la SOLIDEO, doit être accessible à tous. Nous avons donc créé une signalétique multisensorielle inclusive. Elle passe à la fois par du guidage sonore, par des plans tactiles et auditifs, mais aussi par une multitude d’objets conçus pour être utilisables et compris par tous. Cette stratégie pourra s’étendre à terme à l’ensemble d’une ville.

Dans quelle mesure le Village des athlètes préfigure la ville de demain, celle qui saura s’adapter au réchauffement climatique ?

Antoine du Souich : Aujourd’hui, il est certes important de construire bas carbone, mais il faut construire également des immeubles et des jardins qui s’adaptent à l’évolution du climat. Aussi, dès 2018, nous avons demandé à Météo France de réaliser des projections des étés standards actuels et des étés sous le climat de 2050. Tous les bâtiments ont été conçus en tenant compte de l’évolution du climat, ils sont donc bien orientés et traversants. Les cours sont quant à elles végétalisées avec une gestion de l’eau spécifique, de façon à garder les espaces humides et frais. De plus, nous avons demandé aux promoteurs d’installer des planchers rayonnants réversibles dans tous les immeubles. Ces planchers permettent de chauffer les pièces lorsqu’il fait froid l’hiver et de les rafraîchir l’été. Pour les extérieurs, nous menons plusieurs projets d’innovation et notamment avec Emulithe, une autre filiale de VINCI Construction. En combinant cinq solutions innovantes, on va pouvoir récupérer les eaux de pluie, les stocker sous la voirie et les redistribuer via un système d’humidification en goute à goute piloté par une station météo pour créer un effet de fraîcheur direct. Après l’été 2024, nous lèguerons à Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine et L’Île-Saint-Denis un quartier entièrement adapté à la ville de demain. À cette échelle, c’est du jamais vu !