Paris, France - October 8, 2023 : Tourists and Parisians enjoying food and drinks outdoors at a the popular Rue de Buci in Saint Germain Paris France
Publié le 19 nov 2025
Temps de lecture : 4 min
Tendances
Paris, France - October 8, 2023 : Tourists and Parisians enjoying food and drinks outdoors at a the popular Rue de Buci in Saint Germain Paris France
Publié le 19 nov 2025
Temps de lecture : 4 min
Face à des taux de vacance commerciale en hausse dans de nombreuses communes françaises, les acteurs de la fabrique de la ville imaginent des solutions pour ré-enchanter ces espaces. Au cœur de leurs priorités : la notion de « rez-de-ville ». Immersion dans ce territoire urbain à réinventer !
Les informations clés
À mi-chemin entre l’espace public de la rue et l’espace privé du bâtiment, quel rôle pour le rez-de-ville, cette interface urbaine qui contribue directement à la qualité de vie et à l’attractivité de la ville ? « Plus globale que le terme de rez-de-chaussée, la notion de rez-de-ville marque bien le rôle de ces cellules, véritables rotules entre la rue et les étages, qui façonnent l’espace » résume Flore Trautmann, directrice associée de la coopérative de stratégie urbaine « Le sens de la ville » et fondatrice de la foncière solidaire « Base commune ». « Le rez-de-ville, c’est ce dont on se souvient après avoir déambulé dans une ville, abonde Patrick Supiot, directeur général immobilier d’entreprise de VINCI Immobilier. C’est donc un des éléments fondateurs de la qualité de l’environnement. Le rez-de-ville est au cœur de l’expérience urbaine. »
Mais ces dernières années, le rez-de-ville se transforme. « Si vous regardez l’organisation du cœur de la ville médiévale, vous constatez que les rez-de-chaussée sont occupés par des locaux d’artisans ou de commerçants ouverts sur la ville, avec une grande variété de métiers, constate Patrick Supiot. Une succession de lieux d’animation, qui répondent à tous les besoins et incitent à la déambulation. »
Mais au fil des siècles, le paradigme a changé, avec une brusque accélération ces dernières années, renforcée par 3 facteurs. « D’abord, la concurrence des centres commerciaux en périphérie, pointe Flore Trautmann. Ensuite, l’essor d’Internet et des commandes en ligne. Enfin, le renchérissement des loyers et la pression foncière dans le cœur des villes. Elles fragilisent les commerçants et artisans, qui subissent en plus une conjoncture économique complexe. »
Résultat ? Des taux de vacance commerciale en hausse, avec un cercle vicieux qui s’enclenche : moins de commerces, cela attire moins de passants, ce qui diminue l’activité des commerces restants, etc. « Dans le cœur de Paris, le boulevard Saint-Michel est l’exemple typique de ce phénomène », déplore Patrick Supiot, qui se souvient « d’une artère commerciale dynamique majeure où se succèdent aujourd’hui les pas-de-portes à céder. »
Et si l’heure de la prise de conscience avait sonné ? Les initiatives se multiplient pour ré-enchanter les centres villes et faire revenir le petit commerce dans le cœur des communes. Avec la nécessité d’une approche globale, qui passe notamment par la création de foncières. Ces structures, portées par exemple par les collectivités, auraient la possibilité de racheter les locaux vacants pour les louer ensuite à des tarifs adaptés – voire temporairement nuls – à de petits commerçants.
« Un loyer adapté est indispensable pour assurer la pérennité d’un nouvel espace commercial, le temps qu’il s’implante et que de nouvelles habitudes se créent» souligne Patrick Supiot. C’est aussi l’approche défendue par Base commune, la foncière co-créée par Flore Trautmann. « Nous achetons des rez-de-chaussée que nous louons à des loyers solidaires, inférieurs au marché, à des acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire, des artisans, des artistes… Nous sélectionnons les projets selon des critères d’impact social et d’utilité locale : un café solidaire, une boulangerie qui pratique l’insertion ou une épicerie en circuit court, une association d’aide aux devoirs, une recyclerie… Ce positionnement innovant s’inscrit en complémentarité des foncières classiques, pour créer des quartiers cohérents. »
La renaissance des rez-de-ville implique aussi l’intervention des communes. « Il est contradictoire de vouloir redynamiser son centre-ville et laisser en parallèle des zones commerciales se développer en périphérie, souligne Patrick Supiot. Des actions sont donc à mener au travers du plan local d’urbanisme (PLU). » De la même manière, les acteurs plaident pour un droit de regard étendu des collectivités afin d’assurer la diversité des commerces. « La revitalisation ne se pense pas au niveau du seul l’immeuble, mais à plus grande échelle en portant une vision plus globale ! »
Et dans le neuf ? Là aussi, des actions sont possibles ! Les promoteurs sont soumis à de multiples contraintes au niveau du rez-de-chaussée qui doit comporter les accès piétons et parking, le local poubelle, le local vélo, le local électrique… « Tout cela crée des linéaires fermés sur la rue, illustre Patrick Supiot. S’il reste de la place pour un local commercial, il se retrouvera isolé, ce qui ne facilite pas sa commercialité. Il faut donc à la fois travailler l’architecture du bâtiment, mais aussi se pencher sur certaines règles pour générer plus de convivialité pour les rez-de-chaussée. »
De son côté, le Sens de la Ville défend aussi la logique de péréquation verticale. « En augmentant légèrement le prix du m2 de tous les étages, de façon indolore pour les futurs acquéreurs, la somme de ces petites hausses pourrait permettre des baisses importantes du prix en rez-de-chaussée, pour favoriser l’installation de commerces » estime Flore Trautmann.
Une conviction est également partagée : il n’existe aucune fatalité. De multiples réussites (voir encadré) prouvent qu’un travail collectif et coordonné produit des réalisations concrètes qui font (re)naître les rez-de-ville !
Quelques exemples de rez-de-ville revitalisés
– Chapelle International – Paris XVIIIe : un vaste projet qui mise sur la mixité, avec des logements pour tous, des espaces de travail innovants (SOHO) pour petites et grandes entreprises, des équipements de proximité, des espaces verts et des commerces… pour créer « un quartier à vivre ».
– Rue de Béthune – Lille : un grand magasin en perte de vitesse est divisé en plusieurs lots avec hôtel, restaurants, commerce, loisirs… avec une volonté : multiplier les activités.
– Universeine – Saint-Denis : Un seul côté de la rue concentre volontairement les commerces, avec un trottoir plus large et bordé d’arbres. Celui d’en face reste libre pour valoriser le patrimoine existant avec l’ancienne halle réhabilitée. Ou comment créer un paysage urbain attractif qui génère le plaisir de la déambulation.
– Quartier de la Gare / Centre reconstruit – Le Havre. Un même bailleur social a coordonné la rénovation des logements et l’occupation des rez-de-chaussée en cherchant une diversité dans les commerces et en créant un cheminement piéton agréable.